2. Seneffe à feu et à sang

 Au cœur de la bataille de Seneffe.
Récit de la sanglante journée du 11 août 1674
par Jean Constant, soldat de l’armée française.

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À 10 heures précises, j’étais au garde-à-vous aux côtés de mes compagnons d’armes, prêt à servir mon pays. Et pourtant, la peur grouillait dans mes entrailles, mes mains moites et tremblantes tenaient péniblement mon arme. À 10 heures précises donc, une première vague de troupes fut envoyée dans une plaine aux abords du village de Seneffe. C’était à cet endroit que se trouvait l’arrière-garde de nos ennemis. Mon régiment et d’autres garnisons furent désignés pour le second assaut. Mon cœur s’accéléra, les secondes semblaient devenir des minutes.

La bataille de Seneffe, Joseph Parrocel, deuxième moitié du XVIIe siècle, dessin à l’encre, département des arts graphiques, musée du Louvre, Paris.
La bataille de Seneffe fut d’une rare violence. Le prince de Condé, bourré d’orgueil, préféra faire de ses hommes de la chair à canon plutôt que de battre en retraite. Au lendemain du conflit, les curés des environs auraient enterré 20 000 soldats, toutes armées confondues. Condé, quant à lui, fut surnommé le ‘tapissier de Notre-Dame’ en raison des nombreux drapeaux et étendards ennemis qu’il rapporta.

Quand soudain, l’ordre tomba. Nous devions nous rendre dans le village de Seneffe pour empêcher la retraite des ennemis qui se trouvaient dans la plaine. Le comte de Montal, lieutenant général des armées du roi et gouverneur de Charleroi fut mis à la tête de cette attaque. Il s’élança au galop en direction du village, l’épée déjà hors du fourreau. À cet instant la peur s’envola, plus le temps pour moi de réfléchir, l’heure était venue de défendre nos couleurs. Je me mis à courir, tous les soldats du régiment firent de même, tel un seul homme suivant les traces de Monseigneur de Montal. Arrivés au village, la cadence fut ralentie. Seneffe était calme, trop calme. « Soyez attentifs messieurs », nous cria le comte de Montal. « Ils se sont sûrement cachés. Ils ne peuvent nous échapper ». Tous mes sens étaient en éveil. Je marchais prudemment, à l’affût du moindre mouvement.

Tout à coup, un léger grincement, venant de l’église se fit entendre. Je pense que c’est à cet instant précis que la bataille de Seneffe commença véritablement. En effet, un soldat hollandais avait tenté de se cacher dans l’église du village et c’est en fermant la porte qu’il avait par mégarde attiré l’attention de notre armée. Moi et mes compagnons d’armes découvrirent donc un grand nombre de soldats ennemis réfugiés dans cette église. Ces hommes semblaient épouvantés et ne savaient plus quoi faire. L’église fut prise d’assaut par notre bataillon. Il n’y eut pas de prisonnier. Tous ceux qui ne prirent pas la fuite furent massacrés. Et pourtant, chaque soldat ennemi que j’affrontais fit preuve d’une bravoure et d’un courage remarquable. La part d’humanité qui était en moi avait désormais disparu. J’abattais un homme, en transperçais un autre et encore un autre, sans jamais reprendre mon souffle et, ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne. Pendant ce temps, une autre partie du régiment fouillait chaque maison du village pour y terrasser l’un ou l’autre soldat sous le regard terrifié des habitants.

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